Publié le : 24/06/2025
Mise à jour le : 27/06/2025
Sommaire :
L’entreprise comme levier de prévention et de reconnaissance
Managers : adopter une posture soutenante et non prescriptive
Des outils concrets pour soutenir la charge mentale des salariés parents
Conclusion : faire de la parentalité un levier d’équilibre sans pression
Dans un monde du travail qui valorise la performance et la disponibilité, la parentalité en entreprise se heurte à une réalité silencieuse mais lourde de conséquences : les injonctions faites aux parents salariés. Anne Peymirat, experte en parentalité, parle du syndrome du Wonderparent : on demande aux parents de travailler comme s’ils n’avaient pas d’enfant et d’élever leurs enfants comme s’ils n’avaient pas de travail. Qu’elles soient explicites ou implicites, ces attentes excessives nourrissent une charge mentale chronique qui pèse lourdement sur la santé mentale des collaborateurs.
Face à ce constat, les entreprises, et en particulier les ressources humaines et les managers, ont un rôle central à jouer. Il est essentiel de déconstruire ces injonctions, de former les équipes à des pratiques managériales bienveillantes et de mettre en place des outils pour soutenir concrètement les parents au travail.
Des injonctions quotidiennes, invisibles mais destructrices
Le poids d’une double performance attendue
La société moderne attend des salariés parents qu’ils réussissent sur tous les fronts. Qu’ils soient performants au travail, disponibles pour leur équipe, mais aussi impliqués, présents, bienveillants à la maison. Cette pression permanente à la perfection génère une culpabilité constante et une tension mentale difficile à relâcher, menant parfois au burn-out.
Selon une étude d’OpinionWay pour l’Observatoire des Familles UNAF, 73 % des parents salariés estiment rencontrer des difficultés à jongler entre travail et responsabilité parentale. Cette sensation d’arbitrage permanent alimente une charge mentale lourde et continue.
Une charge mentale accrue
La charge mentale des parents ne se limite plus à organiser les plannings de la vie familiale. Elle s’invite aujourd’hui dans la sphère professionnelle, sous des formes plus insidieuses : stratégies d’anticipation pour éviter les imprévus, efforts pour dissimuler les contraintes liées à la parentalité, ou encore pression pour répondre à des attentes implicites, comme rester tard au bureau ou accepter des missions sans marge de manœuvre.
Selon le Baromètre 2025 Parentalité & Santé Mentale au travail, mené par OpinionWay pour teale et Les Parents Zens, 57 % des parents salariés déclarent que leur charge mentale a augmenté depuis qu’ils sont devenus parents. Plusieurs facteurs sont identifiés comme contributeurs de cette pression croissante :
27 % citent la difficulté à gérer des urgences simultanées,
17 % évoquent la pression implicite à être disponible en permanence,
12 % pointent le manque de flexibilité dans l’organisation du temps de travail.
Ces chiffres mettent en lumière une réalité de plus en plus partagée : les parents salariés doivent jongler entre un agenda de réunions et des responsabilités familiales engendrant ainsi une forme d’épuisement diffus, alimenté par la peur de ne pas être à la hauteur dans aucun des deux rôles.
À terme, cette tension continue peut mener à des situations de surmenage, voire à des formes de burn-out parental et professionnel.
Quels sont les signes à surveiller par les managers ?
Quand parentalité et travail sont inconciliables, cela pèse sur la santé mentale des salariés parents. Le cas échéant, certains signaux, qui ne doivent en aucun cas être banalisés, peuvent apparaître :
Irritabilité, sautes d’humeur ou tension accrue
Difficultés de concentration ou perte d’efficacité inhabituelle
Sentiment de ne jamais faire assez, culpabilité chronique
Troubles du sommeil ou fatigue persistante
Isolement social
Perte de motivation, désintérêt progressif pour le travail, désengagement
Difficulté à “déconnecter”, même en dehors du cadre familial, avec un esprit constamment accaparé par des pensées liées aux enfants ou à la logistique domestique
Anticipation anxieuse des imprévus familiaux : stress démesuré à l’idée d’un enfant malade, d’une grève scolaire ou d’une urgence à gérer, souvent accompagné d’un sentiment de ne pas pouvoir “se permettre” ce type d’aléas
Tendance à surcompenser dans l’un des deux rôles (parental ou professionnel) pour masquer le sentiment d’échec ou de perte de contrôle dans l’autre
Ces signes doivent alerter l’environnement professionnel. Il ne s’agit pas d’une fragilité personnelle, mais d’un indicateur d’un déséquilibre global qu’il est possible d’accompagner.
Des paroles anodines aux conséquences durables
Certaines formulations banales peuvent véhiculer des injonctions puissantes. “Je ne sais pas comment tu fais avec trois enfants, tu es incroyable !” semble valorisant, mais sous-entend une attente de performance parentale et professionnelle hors norme. De même, demander une réunion à 18h sans s’interroger sur les contraintes familiales peut faire naître un sentiment d’invisibilité des besoins des parents.
Les salariés parents finissent par intérioriser ces attentes, se fixant eux-mêmes des standards inatteignables, au détriment de leur bien-être. Ce mécanisme est un vecteur silencieux de fatigue mentale, d’auto-censure et de désengagement progressif.
L’entreprise comme levier de prévention et de reconnaissance
Faire évoluer les représentations managériales
La première étape pour les entreprises est de former les équipes des ressources humaines et les managers à repérer et désamorcer les injonctions. Cela suppose un travail sur les biais, sur les stéréotypes de genre, et sur les croyances liées à l’engagement au travail. Par exemple, selon une étude de l’APEC publiée en 2024, 56% des femmes cadres estiment qu’elles ont eu des difficultés à être considérées comme des professionnelles engagées dans leur travail à leur retour de congé maternité.
Créer une culture inclusive de la parentalité
Au-delà des formations, c’est toute la culture de l’organisation qui doit évoluer pour être parent-compatible. En effet, pour que la parentalité ne soit plus un angle mort dans les entreprises, elle doit cesser d’être traitée comme une affaire individuelle, et devenir un sujet collectif, intégré aux politiques RH et assumé.
Cela suppose un changement de culture managériale, mais aussi une reconnaissance explicite de la parentalité comme une expérience qui structure la trajectoire des collaborateurs et des collaboratrices.
Cela passe par des signaux forts :
La valorisation de l’équilibre vie pro/vie perso comme critère de performance managériale
Des politiques RH qui intègrent les moments clés de la vie parentale (grossesse, congés, rentrée scolaire, adolescence)
Des communications internes bienveillantes et non stigmatisantes
Une entreprise qui reconnaît la parentalité comme un enjeu RH majeur contribue activement à la santé mentale de ses collaborateurs.
Managers : adopter une posture soutenante et non prescriptive
L’écoute active, remède à l’injonction silencieuse
Les managers sont les premiers interlocuteurs des salariés au quotidien. Leur posture peut donc soulager ou aggraver la charge mentale. Un manager bienveillant prend le temps d’écouter les contraintes de ses collaborateurs parents, sans jugement ni pression.
Cela implique de poser les bonnes questions : « De quoi as-tu besoin pour être serein ou sereine dans ton organisation ? » et d’éviter les formules généralisantes : « Si elle y arrive avec deux enfants, tu peux aussi ». La reconnaissance individuelle, adaptée à la réalité de chacun, est une clé essentielle.
Manager par la confiance et non par le contrôle
La culture du présentéisme et de la « sur-disponibilité » est particulièrement toxique pour les salariés parents. En misant sur une organisation par objectifs, des outils collaboratifs et une souplesse dans les horaires, les managers peuvent favoriser l’autonomie et réduire le stress.
La confiance instaurée permet aux collaborateurs de dire plus librement ce qu’ils traversent, de demander des aménagements ponctuels, et donc de prévenir les tensions avant qu’elles ne s’installent durablement.
Des outils concrets pour soutenir la charge mentale des salariés parents
Accompagner avec des dispositifs adaptés
Les entreprises ont aujourd’hui accès à de nombreux dispositifs pour soutenir la charge mentale des salariés parents, aussi bien d’un point de vue psychologique qu’organisationnel.
Parmi les solutions les plus efficaces, on retrouve :
Les entretiens pour préparer un retour de congé maternité, paternité ou parental serein
L’accès à des psychologues ou coachs spécialisés
Des applications dédiées à la parentalité, comme Zens+, qui propose des services dédiés à la famille et des ressources pratiques.
L’intégration de ces solutions dans une politique RH cohérente envoie un message fort : l’entreprise ne se contente pas de promouvoir un discours bienveillant, elle agit de manière tangible pour le bien-être de ses collaborateurs parents.
Outiller les managers
Comme vu précédemment, la réussite d’une politique de soutien à la parentalité en entreprise repose également sur l’implication des managers. Ces derniers sont les premiers relais de la culture d’entreprise et doivent être outillés pour accompagner au mieux leurs équipes.
Il est ainsi essentiel que les managers soient informés des dispositifs existants, puissent orienter les collaborateurs vers les bonnes ressources (pour cela, la réalisation d’un guide de la parentalité est idéal afin d’y retrouver toutes les ressources légales.
Conclusion : faire de la parentalité un levier d’équilibre sans pression
Les injonctions faites aux parents salariés ne sont pas une fatalité. Elles peuvent être identifiées, déconstruites et remplacées par une culture d’écoute, de flexibilité et de reconnaissance.
Les ressources humaines et les managers ont un pouvoir d’impact considérable : en formant, en accompagnant, en outillant, ils permettent aux parents de mieux vivre leur quotidien professionnel, sans sacrifier leur santé mentale.
Rédaction : Laetitia Bitton